• Saly, cette équation inconnue


    Le village d'origine était un ancien comptoir portugais. Les colons avaient surnommé cet endroit Sali Portugal, une dénomination qui s'est transformée au fil du temps en Saly Portudal.
    Créée de toutes pièces à proximité du village, la station balnéaire a été inaugurée en 1984, au moment où le tourisme prenait son essor au Sénégal, une destination peu familière auparavant.

    La polémique sur la station balnéaire de Saly existe depuis sa création. Lorsque Jean-Pol crée la ferme de Saly, première implantation "touristique", les autochtones sortiront déjà les gri-gri de maraboutage, voyant d'un mauvais oeil ce "hyppie toubab" s'installer à deux kilomètres du village de pêcheur.
    Les anciens racontent qu'on pouvait acheter le mètre-carré à 100 fcfa. Beaucoup se sont rués dans cette brèche de Paradis terrestre située sur une plage de rêve, bordée de cocotiers, de pirogues multicolores et de cabanons sauvages. Les poids lourds du tourisme sont arrivés avec hôtels, résidences, restaurants, infrastructures classiques d'un tourisme de masse. D'Europe, on vantait qu'avec une petite retraite de 1000 euros, on pouvait venir vivre au Sénégal, à 5h30 de Paris, là où le soleil brille toute l'année, où les gens sont "téranga", la démocratie rassurante et le personnel de maison adorable et si bon marché!...
    Une case toubabisée, entièrement équipée, gardée, sécurisée dans un ghetto de luxe en bord de plage coûtait moins de 60000 euros. Elle revenait, maximum, au 5ème du prix et bon nombre de promoteurs immobiliers, malgré les vicissitudes typiquement africaines, ont réalisé des plus-values pharaoniques en quelques années.
    C'était sans compter sur l'inéffable SAPCO, sur la culture, la mentalité sénégalaise, sur la gourmandise de cette république démocratique, laïque et stable...
    C'était sans compter sur le comportement malheureux ou scandaleux de certains toubabs, sur l'immigration de pas mal de Saï-Saï sur cette région où l'or des blancs tombait des poches...
    Faire cohabiter un simple gentil couple de retraités toubab qui s'offre un petit restaurant dont la note d'un soir est supérieure à un mois de salaire de son "voisin"autochtone n'est pas aisé. Pouvoir s'offrir une voiture, même fatiguée alors que quelques millions de Sénégalais s'entassent dans des cars-rapides crasseux, c'est complexe. S'offrir une petite fatou ou un gardien au salaire équivalant à ce que coûte le toilettage, le véto et les Canigou mensuels du toutou, ça dérange un peu la conscience...
    Se payer une gazelle (pas la bière) ou un gazou 40000 la nuit alors que les parents, en brousse retournent la terre et peinent à cultiver le mil en famille pour le même salaire mensuel, ça craint!
    Voir le travail colossal de certains bénévoles saccagé par la bêtise, l'ignorance ou l'ignominie de personnages noirs ET blancs font basculer bien des consciences.
    Voir l'investissement, parfois stupide mais plus souvent courageux et vital de certains commerçants, exploser en quelques mois parce-que l'arnaque, l'administration, le vol, la médisance sont plus forts que le courage et le dynamisme, ça détruit.
    Voir le comportement aberrant d'un certain nombre de touristes "TO", celui aussi de certains guides et "gentils organisateurs", de réceptifs gloutons ou jemenfoutistes, ça explique.
    Il y a donc, parmi les toubabs, un tiers d'aficionados qui aiment, voire adorent Saly. Celui d'hier, d'aujourd'hui et sans doute de demain. Ils y ont trouvé leur équilibre, leur bonheur, ne se posent pas trop de questions, ont les moyens de leur vie, celle qu'ils ont choisie et qui leur plait. Ils ne connaissent, pour la plupart que Saly et encore. Plus Saly Market, Casino, ou l'Etage que le cimetière, la maison des esclaves ou la tour portugaise. Plus le Soleil de l'homme au chapeau ou le RDC que la fabrique de pirogue de Koulang. Plus les croissants de Roland que le tieb' d'Aminata à Saly Joseph. Le Saloum, c'est au bout du monde et conduire à Dakar relève du suicide. Sinon qu'ils sont tranquille, heureux à Saly, et c'est bien!
    Un autre tiers est constitué de déçus. Déception financière, d'investissement, de sentiments, d'engagements, de constats de dégradations en tous genres. Mœurs et littoral, infrastructures et mentalités... La plupart a fuit vers d'autres cieux ou est obligée de venir pour sauvegarder quelque patrimoine invendable actuellement. On attend l'aéroport, l'autoroute, des jours meilleurs, une purge, qui sait...
    Et le dernier tiers? Ce sont des amoureux du Sénégal! Quand on aime, on ne compte pas, on ne réfléchit pas, on bouffe des bouilles de gosses, des paysages, des ambiances, des pistes de latérite homériques, des palabres oniriques jusqu'au fin fond de la nuit sous l'arbre à palabres avec le soum-soum qui coule à flot et la mangue qui dégouline sur les doigts.
    Saly n'est qu'un havre, une escale, un point de chute, de départ vers les troupeaux de zébus du Fouta, les quais de Saint Louis ou de Matam, les marbres du pays Bédik, les fêtes du pays Bassari, les hyppo de Wassadou, les fromagers de Kaffrine, les tans de Palmarin,...
    "Saly, ce n'est pas le Sénégal!" Si! Comme les champs Elysées sont en France, à Paris. Les mimosas de Bormes, c'est aussi la France! Les chapeaux bretons de Plougastel, les huîtres de Riec-sur-Bélon, les neiges de Chamonix, les marmottes du Vercors, les santons d'Aubagne, la tartiflette et le Chignin-Bergeron, Mickey à Marne la vallée, Sénéquier à St Trop, la gargotte de Robert Baluchard, la mouette mélanocéphale de l'étang de Thau,...
    Mamadou, Awa, Roger, Magali, Pierre, Souleymane, Astou, Bernard, et quelques dizaines de milliers de Salysiens, de sénégaulois, quelques 350000 toubabs encore aujourd'hui ont un commun dénominateur par rapport aux 7 237 092 907 habitants de cette planète (au 16/8/2014)...ils aiment le Sénégal!

    La Girafe


  • Commentaires

    1
    pierre
    Samedi 16 Août 2014 à 13:03

    belle description et bonne lecture,


    j'attend le prochain, 


    Cdt,


    Pierre

    2
    petermouse59
    Samedi 16 Août 2014 à 21:01

    Bravo pour cet article simple et plein de bon sens. Je fais partie du dernier 1/3.

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